Jusqu'au deuxième confinement, Laura était "une anti-Tinder". S'inscrire sur la plus célèbre des applications de rencontres était inenvisageable pour la jeune femme de 27 ans. "Je n'y trouvais aucun intérêt. Il y a aussi un côté supermarché. On ne se base que sur des photos, un physique. Je trouvais cela presque dégradant". Entre temps, le coronavirus est passé par là, nous contraignant à rester chez nous et sacrifier notre vie sociale.
Lors du premier confinement, Laura accepte sa solitude. Son cercle d'amis proches et familial lui suffit. "J'étais très bien comme ça. Je faisais mes apéros Skype, je discutais avec mes amis sur Messenger, WhatsApp". Mais en octobre pendant le deuxième confinement, Laura ressent le besoin d'élargir son cercle d'amis et de rencontrer de nouvelles personnes. "J'étais à un stade où j'étais presque bloquée dans ma vie. J'avais l'impression de tourner en rond. Contre toute attente, j'ai choisi de m'inscrire sur Tinder. Je ne regrette pas mon choix. Ma vie sociale a été reboostée".
"Les applications de rencontres prennent tout leur sens maintenant"
Marie Tapernoux, thérapeute de couple et sexologue, nous explique ce changement d'état d'esprit entre les deux confinements : "Le premier confinement nous a permis de revenir à l'essentiel, de se remettre au centre de nos priorités, de prendre soin de soi. Avec le deuxième confinement, on est dans le besoin de s'ouvrir aux autres. Les applications de rencontres prennent tout leur sens maintenant". Avec le confinement, les applications de rencontres comme Tinder, Happn ou Once reviennent à leur première fonction : rencontrer de nouvelles personnes. Ces échanges sont virtuels, éphémères, mais ils remplissent plusieurs besoins essentiels pour le bien-être des individus.
"La Pyramide de Maslow illustre très bien ses besoins : physiologique (boire, respirer, manger...), sécurité, appartenance grâce à la vie sociale, l'estime de soi et l'accomplissement. Avec le coronavirus, certains de ces besoins sont très fortement impactés".
Grâce à Tinder et ses compères, ces besoins peuvent être comblés. "On cherche des issues comme on peut. Ce n'est donc pas étonnant que les applications de rencontres explosent pendant ces périodes de confinement". Échanger avec des célibataires, c'est aussi communiquer avec des personnes se trouvant dans la même situation que la nôtre. Les premiers échanges entre Laura et ses matchs tournent souvent autour du confinement. "Très rapidement on se demande : comment ça se passe pour toi le confinement ? Tu es en télétravail ? Pas trop difficile d'être solo ? C'est une manière de se rassurer. On se dit qu'on n'est pas seuls dans cette situation". Pour Marie Tapernoux, "on a besoin de se retrouver avec nos pairs qui vivent la même chose que nous, même si c'est virtuel. C'est valorisant, cela distrait, ponctue nos journées. On se sent reconnus".
Comme des collègues de travail
Avec les applications de rencontres, les célibataires retrouvent un semblant de vie sociale. Depuis son inscription fin novembre, Laura a eu trois dates. Des rencontres qui font du bien, "même s'il n'y a pas forcément de suite sur le plan amoureux, au moins je sors et rencontre de nouvelles personnes. J'élargis mon cercle de connaissances, en stand-by depuis presque un an". Marie Tapernoux compare les échanges sur les applications de rencontres aux pauses de midi avec nos collègues. "Dans les deux cas, on parle de tout et de rien, on se change les idées et on revient à nos occupations".
À la différence près que ces échanges sont virtuels. Cette caractéristique peut laisser penser que les discussions sont plus futiles, artificielles et au final sans grand intérêt. Au contraire.
"C'est justement ce dont a besoin. Ce n'est pas superficiel que d'avoir besoin de legereté" nuance la thérapeute.
Les échanges sur les applications de rencontres complètent les relations que l'on a avec nos amis, beaucoup plus concrètes, sérieuses et établies. Sur Tinder, Happn ou Once, on se renouvelle, on élargit nos réflexions et on sort aussi de sa zone de confort.
Avant de s'inscrire sur Tinder, Laura n'avait pas une très haute opinion de l'application de rencontres. Avec le confinement, son jugement a changé. "Ce n'est pas si terrible que ça. C'est une manière de se divertir différement". Selon Marie Tapernoux, il est important de parler des valeurs des applications de rencontres.
"Elles ont presque une fonction de sauvegarde de la vie sociale des gens. Elles maintiennent une forme d'équilibre dans nos besoins fondamentaux".
Dans son cabinet, Marie Tapernoux reçoit des célibataires désemparés face à cette solitude imposée et contrainte. La sexologue leur conseille de s'inscrire sur les applications de rencontres. "C'est maintenant qu'il faut s'inscrire. Beaucoup de gens recherchent autre chose que juste un rendez-vous de consommation. On n'est plus du tout dans cette démarche. On a juste besoin de se connecter aux gens. On échange, on se rencontre ou pas. Et s'il y a plus si affinités, tant mieux".