Petit changement dans les cuisines de «Mariés au premier regard», sur RTL-TVI. L’emblématique – et très médiatique – sexologue Pascal de Sutter a quitté la version belge (mais reste sur celle diffusée en ce moment par M6) du programme.
Pour garder une certaine garantie scientifique, la production a fait appel à une nouvelle équipe de thérapeutes, dont la sexologue lasnoise Marie Tapernoux.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le concept ?
Quand j’ai été contactée, j’ai un peu hésité, et finalement dans une société où il y a énormément de frustrations conjugales, je me suis dit "pourquoi ne pas passer par un autre mode et partir de leurs besoins, et voir ce que l’on peut faire ?"' En espérant que les couples que l’on compose tiennent.
Ce n’est pas bizarre pour vous de sauter des étapes et passer directement au mariage ?
Sauf que je ne le perçois pas comme ça… Grâce aux tests que l’on a fait avec eux, et les rencontres que l’on a eu tout au long de la préparation, on a vraiment pu faire connaissance. On connaît leurs besoins et leurs envies. On sait ce qu’ils ont vécu avant, et ce qui a été difficile pour eux. On est vraiment parti de ce qu’ils veulent dans une future relation, et on a tenu compte de ça pour essayer de trouver une compatibilité. On n’a pas brulé des étapes. Les candidats connaissent les règles, et à tout moment, ils peuvent se retirer. Je n’ai pas eu l’impression de les avoir jetés dans la gueule du loup, et après faire du thérapeutique.
Il y avait des cas aussi désespérés ?
Il y a énormément de frustrations, et pas mal de personnes déçues de leurs dernières rencontres. On remarque aussi qu’il y a un certain nombre d’individus qui reproduisent systématiquement le même type de rencontres. À un moment, on a fait le tour de son réseau, on va vers des applications ou des sites de rencontres, et on retombe sur les mêmes profils…
Ce que les participants m’ont dit, c’est qu’ils n’ont plus envie de «perdre leur temps» et ils cherchent des personnes qui ont la même envie de construire quelque chose. À ce titre-là, ça peut être intéressant.
Vous vérifiez si les participants sont libres ?
On leur pose la question plusieurs fois dans l’expérience pour s’en assurer. À notre niveau, il y a déjà eu une sélection, et on suppose que le casting a été fait avec rigueur pour éviter ce genre d’écueil. Si c’était le cas, on s’en serait rendu compte à un moment donné.
C’est plus facile de marier (au premier regard) un jeune qu’une personne qui a plus de maturité ?
Je ne pense pas que ce soit plus facile… Quelqu’un de 22 ans n’a pas la maturité relationnelle d’une personne de 45 ans. Cette dernière sait d’avantage ce qu’elle veut de par ses échecs.
Et il y aura plus d’échecs…
Non. Elle est plus au clair avec ses besoins, et ce qu’elle ne veut plus. C’est sans doute plus compliqué de lui trouver quelqu’un de compatible. Le jeune a tendance à mettre des masques pour plaire à l’autre, alors qu’avec les années, on a justement plus envie de prendre sur soi, et aller vers le respect. Plus facile, non, mais différent oui.
L’internet a tout chamboulé dans les relations amoureuses ?
Oui, on zappe plus facilement. À la moindre frustration, on peut passer à quelqu’un d’autre plus vite. C’est plus délicat aussi parce qu’on juge aussi sur des physiques. On «matche» ou on ne «matche» pas. Et ça peut détruire des gens.
J’ai pas mal de patients qui viennent me voir parce qu’ils sont en manque de confiance en eux à cause de cela. Ils n’osent même plus aborder d’autres personnes dans la rue.
Vous avez suivi la 1ère saison ?
Oui, lors de la diffusion à la télé, mais je m’étais demandé comment ces personnes peuvent y participer sachant qu’on se marie avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. Ce qui m’a réconforté, cette saison, c’est que les participants savaient tout d’emblée. L’an dernier, c’était de la surprise pour tout le monde. D’ailleurs, il y a eu plus d’inscriptions pour la 2e saison.
C’était plus facile ?
Les choses étaient plus claires. On leur a bien rappelé que c’était un engagement légal qu’il ne fallait pas prendre à la légère. Les candidats sont venus de leur plein gré et ils connaissaient le principe.
La popularité due au programme ne vous effraie pas ?
Peut-être qu’il y aura des réactions négatives parce que j’ai «marié des gens au premier regard». J’ai longuement réfléchi avant d’accepter, et ce qui m’intéressait, c’était aussi l’expérience pour moi. J’ai été touchée par l’humanité du programme et l’accompagnement que l’on a pu faire hors caméras. Si des patients ne viennent plus chez moi, ce serait dommage.
Et je ne pense pas que je vais avoir une affluence de rendez-vous après l’émission. Je dois reconnaître que je redoute un peu les effets. C’est la première fois pour moi aussi… Je ne suis pas non plus une agence matrimoniale, et je ne vais pas marier tous les patients que je rencontre non plus.
Et les discours féministes ?
Pour moi, il y a une totale égalité de traitement. Je ne pense pas que l’on bafoue les droits des femmes dans ce type de programme, c’est plutôt la valeur du mariage qui peut poser problème à certains. Les personnes connaissent le principe. Le mariage n’est pas religieux mais c’est un mariage légal. Pour répondre aux féministes, l’idée ici n’est pas de faire une quelconque marche arrière sur des avancées sociétales.
Lors de votre formation scolaire, on évoquait la manière scientifique de former des couples ?
Non. Il n’y a pas de cours à ce niveau-là, mais on se rend compte que les tests psychologiques que l’on utilise permettent de répéter autant que possible une forme de réalité et de fonctionnements personnels. Les tests utilisés dans «Mariés au premier regard» sont validés par les scientifiques. On ne les sort pas d’un magazine. Il y a eu un panel de tests impressionnant en plus des rencontres que l’on a eu avec les participants. C’est tout ça qui fait qu’on a eu accès à leur personnalité, et que l’on a pu au mieux trouver des compatibilités.
Vous auriez participé au programme ?
Je me suis posé la question. Si j’avais eu autant de frustrations et de rencontres difficiles, pourquoi pas ?! J’en ai parlé à mon entourage, et j’ai eu pas mal de réponses affirmatives aussi. Tout le monde pourrait à un moment donné – quand on répète les mêmes erreurs – se dire que l’on a envie de fonctionner autrement.