C'est peu dire que le sexe occupe les esprits ! Nous avons demandé à la sexologue Marie Tapernoux et au créateur d'un site arty-porno, l'artiste Serge Goldwicht, de nous aider à la vivre au mieux et pour certains, à retrouver une sexualité complice.
Imaginer et jouer
L'imagination, une qualité quasi-totalement inexploitée dans le porno gratuit, dont les vidéos agissent directement sur le désir de coït (et non le désir tout court).
Mais alors, comment fait-on ? On ose parler de ses fantasmes, on se met à la recherche de films à l'érotisme bien présent (L'amant de Lady Chatterley, Eyes Wide Shute, Histoire d'O, Emmanuelle...), on explore Instagram tranquillement (des idées de comptes dans cet article).
On découvre aussi Sexblotch, une plate-forme belge qui mise sur du porno différent, artistique. Le site plaît d'ailleurs beaucoup plus aux femmes qu'aux hommes, "Les hommes sont beaucoup plus visuels, et les tâches, les bulles, les écoulements leur parlent moins », résume le fondateur et peintre Serge Goldwicht, d'après les retours des utilisateurs.
De nouvelles découvertes ? Marie Tapernoux, sexologue, encourage ses patients à innover.
"La base quand un couple a désinvesti sa sexualité commune, c'est de se retrouver et de faire des choses agréables à deux au moins deux fois par mois".
La période de confinement se prête alors à d'autres investigations, comme retrouver le chemin de l'érotisme. "C'est un aspect fondamental pour moi et salvateur : le retour à un érotisme que l'on ressent grâce au retour à notre imagination", témoigne Serge Goldwicht. Ici, un jeu de l'oie coquin à télécharger par Perrine, du blog "Pepites d'Amour"
Ne pas se contaminer
Le coronavirus n'est pas une infection sexuellement transmissible mais la salive est tellement contagieuse que mieux vaut éviter, de même que le peau à peau, la transpiration... Alors on prend son mal en patience pour les amoureux ne vivant pas sous le même toit comme pour les célibataires. Ceux-ci semblent avoir un recours massif aux sites de rencontres pour chatter, flirter, se rassurer. Qui connaissent des boums de fréquentations et beaucoup plus de messages intra-abonnés.
Parler
Se parler, c'est déjà important en temps normal alors en temps de confinement, quand on se tape sur les nerfs à force d'être coincés ensemble quand on n'en a pas l'habitude, qu'il faut jongler entre travail et enfants, "c'est impératif de se parler !". On s'envoie des messages de soutien mais on y va aussi pour les sextos, les images, ça peut booster un couple un peu endormi. Et il y a les lectures, notamment de textes érotiques ou encore les comptes instagram qui d'une image, d'une injonction, d'un conseil font monter la température.
"Ce n'est pas facile de réinvestir son désir mais si on a envie d'essayer, c'est bizarre un ou deux jours et l'on redécouvrir le plaisir du jeu", explique Marie Tapernoux.
Le jeu, c'est du dirty-talk que l'on peut chuchoter dans l'oreille ou à distance, c'est s'envoyer des enregistrements audio avec des mots qu'on emploie pas d'habitude, c'est lire un passage érotique ou l'envoyer, ...
S'auto-érotiser
Et pour ça, il faut souvent commencer par se plaire. Alors ce n'est pas parce qu'on télé-travaille qu'on saute dans son jogging et ses pantoufles.Les slips kangourous d'accord... s'il y a un jeu érotique derrière. Et la culotte en coton à l'élastique détendu, elle fera sa réapparition plus tard, sauf si c'est dans celle-ci que l'on se sent à son top !
"Prenez plaisir à vous regarder, auto-érotisez-vous, érotisez l'autre". Redécouvrez le chemin du sensuel. "Ce qui est très différent de réinvestir le sexuel et de se casser la tête à vouloir trouver des positions-performances si l'on n'en a pas vraiment envie."
A distance, le jeu est plus tentant (si l'on est en confiance) et deviendra plus "hot" à chaque télé-rencontre. Jusqu'à en faire oublier que le corps de l'autre n'est pas à portée de main. "Ce qui est évident pour des partenaires amoureux, soit passer par le sexe pour entrer en intimité, ne l'est plus aujourd'hui. Autant réinvestir d'autres pistes et développer l'érotisme". A défaut de plan Q, choisissons le plan B, sourit Marie Tapernoux. Et reconnectons-nous à tous nos sens.
Essayer
Les seuls à s'en sortir "gagnants" ? Les couples sans enfants vivant ensemble ! "Là, il y a vraiment moyen de profiter de ce temps de confinement pour réinvestir l'imaginaire, le fantasme, le temps, les préliminaires", se réjouit Marie Tapernoux. Et même explorer toutes les pièces de la maison...
Retrouver une autre notion du temps dans les relations intimes passe par le fait de ne plus penser à "en finir", à la fin, à l'orgasme. (Notre article sur les bienfaits du slow-sex ici)
A vous méditations érotiques et jeux différents, commandes d'accessoires, jeux de rôle et écoute... "C'est peut-être le moment effectivement", réfléchit le fondateur de sexblotch. "Le moment de prendre conscience qu'il existe autre chose, qu'on peut essayer autre chose : plus lent, plus doux, plus imaginatif".
Après tout, "La sexualité est mise en cage. Les stéréotypes, les modes, créés par la pornographie ont envahi nos espaces intimes. Le moment est propice à réinventer, à imaginer autre chose : "une autre sexualité est possible" comme l’écrit Maïa Mazaurette dans son dernier livre "Sortir du trou, lever la tête", conclut-il.
Se toucher
La sexologue est bien d'accord :
"Se faire une pause dans ce tourbillon, dans tout ce négatif, pour se reconnecter à soi, à ses fantasmes, à ses hormones, au plaisir sans performance, sans jugement, c'est très précieux".
Cela fait un bien fou à tous. Après tout, on est touché, câliné depuis que l'on est tout petit. A là, soudainement, toute main devient ennemie. A part les nôtres (convenablement savonnées et lavées).
Faire attention à l'après
"Je pense que pas mal de personnes vont très mal vivre ce confinement, qui va exacerber les difficultés existantes en temps normal, alors qu'on se voit à peine finalement... A mon sens, cette situation dramatique va impacter plutôt négativement le couple. C'est difficile de dédramatiser, de parler intimité et doutes maintenant. Et demain, les difficultés économiques potentielles vont aussi étouffer tout ça", prédit la sexologue.